samedi 5 janvier 2008

Sermon preached at Alain Blancy's funeral

Prédication lors de l'enterrement du pasteur Alain Blancy,

Textes Bibliques:

Genèse 28 16-22
2 Corinthiens 4 6-9 et v 16
Marc 16 1-8

Nous commençons avec la mémoire
Nous passerons par le chemin du creux et du vide
Nous arriverons à la fin qui n'est finalement que début

Pour commencer alors quelques courtes phrases de la sagesse juive

"Se Souvenir s'appelle vivre"
"Se souvenir mène à la libération, oublier mène au désert"


Pendant une grande partie de sa vie Alain Blancy a essayé de donner forme et sens à sa propre mémoire, de remémorer, de remembrer son propre passé de manière à ce qu'il puisse apporter vie dans le présent, espérance et défi pour l'avenir. Ce travail de mémoire qu'il tentait est exigeant Il m'a écrit dans une lettre: "La mémoire est déchirure à l'intérieur d'elle-même, discernement critique, tri entre ce qu'on garde et ce qu'on jette. Douloureux procès. Jésus en fut lui même "rompu" comme son pain, ren-"versé" comme son vin. Qu'a-t-il dû sacrifier, qu'a-t-il pu garder, qu'a-t-il dû et pu convertir?"

Il faut essayer d'entreprendre notre travail de mémoire, de souvenir d'Alain de manière à nous laisser ouvert à une remembrance enracinée dans une espérance pour demain.

Dans une conversation que nous avions il n'y a pas encore 15 jours Alain réfléchissait sur la question est-ce que la mémoire représente dans le judaïsme un peu ce que représente la résurrection dans le Christianisme? (on devait y revenir!)
Mais c'est seulement lors d'une journée comme aujourd'hui que l'on voit combien mémoire et résurrection sont des mystères qui nous permettent de concevoir un Dieu qui agit à travers le passé et dans le présent, un Dieu qui nous appelle vers l'avenir.Jeune homme, avec son frère aîné Alain se trouvait en Prison en Allemagne à Cologne, C'est là qu'il commence à lire la Bible que le gardien de la prison leur permet de garder à condition qu'ils la cachent. Alain décrit ce gardien comme un des petits anges que les deux frères ont rencontré sur leur pénible chemin de guerre entre 1942 et 46. Cette Bible était déjà dans les bagages quand les frères essayaient de fuir à travers la frontière espagnole. Mais Alain ne se souvenait pas d'avoir lu la Bible avant de se retrouver en prison. C'est la lecture en prison du récit de Jacob, qui fuyait son frère, qui permet à Alain de faire le vœu de Jacob aussi le sien "Si Dieu me ramènes sain et sauf à la maison, il sera mon Dieu."Alain disait que ce vœu était peut être "intéressé", mais qu'il allait tenir dans le temps Ce vœu l'a amené vers un avenir de passeur de frontières géographiques, théologiques et ecclésiales, un avenir inimaginable depuis la peur d'une prison ou on est accusé d'être juif. C'est le personnage de Jacob : rêveur, travailleur et lutteur de Jabbok; Jacob dont le nom va aussi changer pour devenir Israel qui parle à ce jeune homme pas encore chrétien et d'origine juif. (Un jour Arved qui fait ce vœu va devenir Alain.)

Dans notre douloureux travail de mémoire, nous nous souvenons de la fidélité d'Alain à ce vœu, mais ce beau récit de vivre et de survivre malgré les persécutions doit nous ouvrir à la mémoire des autres six millions et plus qui ont aussi sans doute de leur prison et de leurs wagons de transport et camps fait des vœux similaire envers Dieu.
L'inhumanité d'un système de penser a arraché aux autres et à Dieu lui même la possibilité de montrer la fidélité.
Nous commençons notre travail de mémoire mais … Nous arrivons au chemin du creux et du vide.

C'est un vide réel
Qui doit affronter la réalité de la souffrance
C'est un vide qui ne trouve pas de réponses toute de suite
Un vide qui fait peur
Alain n'est plus avec nous.
Il ne va plus arriver là avec son panier chargé parfois de sa délicieuse tarte au streusel à partager, chargé toujours de différentes sortes de lectures et textes à remettre aux uns et aux autres.
On n'entendra plus son rire
Ses enfants ne vont plus pouvoir appeler papa pour voir comment il va
Son intellect ne nous fera plus courir dans plusieurs directions en même temps
Le corps d'interprètes et de traducteurs n'entendra plus sa voix
Pourtant je pense que Alain est maintenant relativement serein de ne pas
devoir se mettre devant encore un texte difficile qui sort de la KEK!

Et Christiane est sans doute ravie de l'avoir avec elle, il ne peut plus dire j'ai une conférence à préparer ce soir.

Le groupe des Dombes et tant et tant d'autres groupes œcuméniques ont perdu un intervenant de grande qualité.

Nous avons tous perdu un homme qui avait des dons extraordinaires pour la théologie et pour l'amitié.

Nous sommes plus creux sans lui, mais plus riche car nous l'avons connu.

C'est le tombeau vide, le creux qui fait fuir les femmes lors de la résurrection dans l'évangile de Marc. Lors des études bibliques qu'il nous a faites ici dans la paroisse Alain a essayé de nous faire comprendre que c'est dans ce vide, dans le creux, au fond de l'abîme que le travail de résurrection commence.

Nous pouvons alors remplir le creux avec de beaux souvenirs, avec beaucoup de regrets aussi. Mais le travail que l'évangile nous demande de faire est plus profond que cela. Alain nous a bien montré combien dans l'évangile de Marc la résurrection c'est le vide, presque le néant, mais que ce vide ne renvoie pas vers un avenir de peur mais vers un nouveau commencement. La fin de chaque évangile renvoie de nouveau à son début. Le vide de la fin de l'évangile de Marc se reflète dans son début, pas de récit de la naissance de Jésus juste l'appel de Jean Baptiste et le baptême du Christ. Le vide de la résurrection nous renvoie à un nouveau commencement et à nos propres engagements, notre réponse à l'appel de Dieu.

Dans une lettre d'il y a presque exactement 5 ans Alain m'a écrit: "La mémoire est double pour ouvrir à l'avenir et ne pas en rester au regret et à la culpabilité du passé….. La mémoire n'a de sens que si elle est tournée vers l'avenir, un élan pour aller au delà, un da capo al fine, cette fin survoltant le présent."

Nous arrivons alors à la fin qui n'est finalement que début.

Notre souvenir est empreint d'une profonde joie et reconnaissance de tout ce que Dieu nous a donné à vivre à travers la présence amicale, intellectuelle, riante, impatiente, créatrice, écoutante d'Alain Blancy dans nos vies. Une reconnaissance aussi envers les anges et archanges que Alain et Edouard ont rencontré lors de leurs pénibles expériences de guerre. Quelle joie pour nous qu'il y a eu ces personnes qui ont vaincu la peur devant le vide pour s'engager et résister.

Cette reconnaissance nous renvoie à un nouveau commencement un nouveau engagement dans le creux créatif de la résurrection. Nous sommes appeler à un travail de mémoire et d'oubli qui fait vivre, qui fait ressusciter. Un engagement à surmonter nos peurs, à résister au mal de notre époque.

Car nous avons l'assurance que même accablés de toutes sortes de souffrances Dieu ne nous abandonne pas, c'est pour quoi que avec Alain et beaucoup d'autres nous ne perdons jamais courage.

Pasteure Jane Stranz

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